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Critiques Libres

"Le journal d’Anne Franck désenchanté, mais pas désespéré..."

samedi 27 décembre 2003

Pascal Samain est montois. Il a publié en 1990 « Les Trous de la rue Lartoil » aux éditions Julliard. Il a obtenu pour ce livre, la même année, le Grand Prix de l’Humour noir Xavier Forneret. L’Indicateur des Chemins de Fer est son deuxième ouvrage.

L’Indicateur des Chemins de Fer... un guide, bien sùr, mais aussi, dans le livre de Pascal Samain, un navetteur comme les autres. Enfin, presque comme les autres... car, au contraire de bon nombre de ses compagnons de route, l’IDCDF - le sigle, plus économique, sera employé presque systématiquement pour désigner le personnage -, l’IDCDF, donc, est doué d’un REGARD grâce auquel il observe la vie quotidienne des « forçats du rail » pour INDIQUER « ce qui se passe dans un train où rien ne se passe ».
Une très bonne idée, assurément, et pas seulement une bonne idée, puisque le style, la construction, la narration, la forme en un mot sont ici à la hauteur du propos, ce qui fournit une lecture très agréable, partagée entre humour, tendresse et réflexions sur la vie.
Humour kafkaà¯en (ou courtelinesque ?) produit par les extraits, en alternance avec la narration proprement dite, du « Guide du voyageur » de la SNTT (Société Nationale du Train-Train), un monument du comique administratif involontaire :
« Lors de l’usage d’un billet aller-retour, le voyage aller s’effectue toujours avant le voyage retour. »
« En semaine, utilisez de préférence des trains circulant en dehors des heures de pointe. »
Humour produit aussi par de savoureuses descriptions de voyageurs comme les joueurs de cartes ou la « grande grosse carrée » qui assomme de sa conversation sa partenaire petite, fluette et silencieuse. Excellent aussi le chapitre consacré au jeudi : « Le jeudi dans la navette est un jour sacré. Les musulmans vont à la mosquée le vendredi, les juifs ont leur sabbat, les chrétiens se retrouvent à l’église le dimanche. Les navetteurs, eux, communient le jeudi. » Autour de quel objet sacré ? Du Livre, bien sùr. Lequel ? Je vous laisse deviner...
Tendresse ? La vieille dame au petit chien, le navetteur abandonné, le vieux flic à la retraite qui continue à prendre le train en uniforme parce qu’il a « besoin de se faire croire qu’il est flic »...
Et puis, surtout, ces réflexions sur la vie omniprésentes dans la gigantesque métaphore filée qu’est ce livre (tout en réussissant le prodige de n’être pas ennuyeux) : la navette de la vie, les rails de l’existence, la gare...
« Qu’est-ce qu’une gare ? C’est un antre, et un entre. Un entre-deux. Un antre-dedans. Un entre-dehors. Un entre-deux-morts. »
« L’Indicateur implore un changement beaucoup plus radical : la fin de la navette, la fin de toute navette, la remise de peine sans conditions et la remise des boogies au garage. »
« De la naissance à la mort en passant par les gares, c’est le T.G.V. : le Trépas à Grande Vitesse. »
Le tout sur fond d’imagination fantasmatique avec, en prime, un style dominé par l’ironie, le second degré, l’exploitation de la matière des mots...
Le journal d’Anne Franck désenchanté, mais pas désespéré (pas toujours...) d’un « intellectuel camouflé » qui s’en tire par l’humour. Indispensable aux navetteurs du train, hautement recommandable aux navetteurs de la vie...


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